Histoire d’un abandon…

Nous avons tous dans nos généalogies des enfants abandonnés et connaître leur histoire est parfois difficile voire impossible.
Mais les archives peuvent nous aider à résoudre certaines énigmes.

Permettez-moi de vous conter une histoire qui m’émeut infiniment   :
Emilienne est née en 1911 à Saint André sur Orne (Calvados) et Marie en 1916 à Caen (Calvados).

Marie a 3 ans lorsque l’Assistance Publique la recueille avec sa sœur.
Les fillettes vont grandir sans connaître leurs parents, ni l’identité de ces derniers.
Difficile d’imaginer les souffrances psychologiques qu’elles ont endurées et qui seront omniprésentes toute leur vie : l’orphelinat avec un matricule, les placements dans des fermes, les brimades, la solitude … Et par-dessus tout le manque d’affection parentale.

Après la Seconde Guerre Mondiale, Marie monte à Paris, travaille comme cuisinière chez des particuliers. Quelques années plus tard, elle se marie et devient mère à son tour.
Emilienne est restée toute sa vie dans un hospice à Villers-Bocage (Calvados) car elle était handicapée. Elle y est décédée en 1972.

Marie découvrira l’identité de ses parents peu de temps avant de disparaître à son tour, simplement en demandant un acte de naissance à la mairie de Caen qui lui communiquera le nom de ces derniers ; alors que toute sa vie l’Administration a refusé de le lui révéler :

        – Jean Victor BERTHAULT & Louise Marie Elisabeth MORIN

A ce moment de mon récit, je dois vous faire un aveu : Marie était ma Maman.

Je souhaite comprendre ce qui semble « inacceptable » et c’est une des raisons qui m’a menée vers la généalogie…
Lever le mystère et exorciser les non-dits car nul ne sort indemne d’un tel traumatisme laissant des bleus à l’âme et influant la personne abandonnée et son entourage.

C’est donc, aux Archives Départementales du Calvados que ma quête commence :

Avec l’aide précieuse d’un archiviste à qui je me confie, j’obtiens l’acte de mariage de Jean et de Louise, mariage qui a été célébré le 15 janvier 1907 à Saint-André sur Orne, petite bourgade limitrophe de Caen.
Cet acte en ma possession, je peux retrouver mes ancêtres maternels et tenter d’écrire une histoire jusque là inconnue. Je m’y emploie depuis quelques années.

Mais, revenons à mes grands-parents : Jean est mineur dans les « Fosses d’Enfer » à Saint Rémy sur Orne, à quelques lieues de Caen ; Louise s’occupe du ménage.
Lui est né à St-Rémy en 1881 ; elle à St André sur Orne en 1887.

Je découvre que la famille Berthault compte également deux garçons : Henri né en 1907, décédé en 1973 à Brienon sur Armençon et Robert né en 1917.
Maman me racontait qu’elle avait un frère jumeau mort en bas âge.  Robert a un an de moins qu’elle, presque jour pour jour.

La fratrie ayant éclaté…. Que sont-ils devenus ?
Depuis, j’ai découvert que Robert est décédé à Caen en 1920.

Mes recherches concernant les causes de l’abandon aboutiront elles ?

Dans un premier temps, j’ai fait la demande et j’ai obtenu le dossier d’enfant assistée de Marie auprès des Archives Départementales du Calvados.
Malheureusement, celui-ci ne contenait que peu de renseignements ; les archives ayant été détruites pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Marie étant née pendant la Première Guerre Mondiale… Mon grand-père a t-il été enrôlé et a t-il disparu pendant le conflit ?
J’ai trouvé sa fiche matricule militaire : Jean a été réformé le 17 août 1914 pour ankylose du genou gauche. C’est une rigidité partielle ou totale de l’articulation. (source Wikipédia)
Il n’a donc pas participé à la Grande Guerre.

Les chances de découvrir l’épilogue de l’histoire s’amoindrissent.

C’est alors, que je consulte les procès verbaux du Conseil Municipal de Saint-Rémy sur Orne (14) entre 1915 et 1920…

Là, je découvre que la famille Berthault est nommée plusieurs fois :

– Le 8 septembre 1915 : le conseil décide de maintenir une allocation à Madame Berthault.

– Le 17 juin 1918 : le conseil admet les enfants Berthault à l’assistance médicale gratuite.

– Le 2 août 1919, je cite :

Le conseil
Considérant que la famille Berthault Jean a mis la commune dans l’obligation de mettre à l’hospice de Caen deux de ses enfants âgés de …
enfants dans un état lamentable par manque de soins;
que ces enfants ont coûté au total la somme de 2882 francs pour frais d’hospitalisation en 1918… qui est une somme considérable pour notre maigre
budget ;
Que cette dépense va encore nous incomber pour 1919 ; 

Qu’en outre un troisième enfant de la famille Berthault qui est en nourrice à Culy-le-Patry peut d’un jour à l’autre tomber aussi à la charge de la commune ;
Que la famille Berthault a quitté la commune de St-Rémy et n’y reviendra jamais, ayant déjà été expulsée de son logement pour non paiement et grandes difficultés avec le propriétaire ;
Qu’enfin, à plusieurs reprises la famille Berthault a manifesté l’intention de faire mettre tous ses enfants aux Enfants Assistés, disant ne pouvoir les nourrir et qu’il n’y a pas à compter sur la bonne volonté du père et de la mère ;
Demande instamment que les deux enfants de Berthault actuellement à l’hôpital, ainsi que l’enfant en nourrice à Culy-le-Patry soient placés de suite aux Enfants Assistés, la commune ne pouvant pas continuer à supporter cette trop grosse charge.

Et enfin, le 1er septembre 1920, je cite :

Le Conseil,
Considérant que la famille Berthault Jean a certainement quitté la commune de St-Rémy sans esprit de retour puisque tout le mobilier a été vendu avant son départ en février 1919
Que trois enfants sont restés à la charge de la commune
soit
Berthault Marie âgée de…
Berthault Emilienne âgée de…
qui étaient à l’hôpital de Caen au moment où Berthault a quitté St-Rémy
Berthault Robert en nourrice à St-Lambert
Que Berthault Jean ni sa femme n’ayant pas reparu à St-Rémy depuis février 1919 et ne se sont plus occupés de leurs enfants, ces trois enfants ci-dessus dénommés sont réellement abandonnés
Demande en conséquence que les trois enfants soient remis sans retard au service des Enfants assistés, afin qu’il puissent bénéficier des soins et garanties de cette administration, la commune n’ayant pas qualité pour les élever, les soigner et les suivre.
Fait et délibéré en séance les jours, mois et an….

Le procès verbal est signé par tous les conseillers municipaux.

Ces faits sont profondément terribles à lire et très émouvants… mais, expliquent en partie les circonstances de l’abandon.

Par ailleurs, ironie du sort, les enfants ont vécu à proximité de leurs parents sans jamais les revoir.
Jean est décédé en 1942 à St-Pierre sur Dives et Louise à Caen en 1937.

Aujourd’hui, je n’ai découvert qu’un pan de la petite enfance de Maman. Mes grands-parents ont emporté leurs obscurs secrets avec eux !
Mais, je veux croire que Dame Misère est indéniablement la source de cette défection parentale !

Et vous, avez-vous fait des découvertes concernant des abandons d’enfants ?

Sources : Procès-verbaux de la commune de St-Rémy S/Orne – AD Calvados – 2MI-DM357

#Généathème : La Première Guerre Mondiale… et mes ancêtres picards !

Mes ancêtres résident dans les villages de Athies/s/Laon, Gizy, Samoussy situés à quelques lieues de Laon.
Parmi eux, pas de soldats engagés pour combattre, les hommes sont trop âgés ou trop jeunes.

Laissez-moi vous conter leur guerre ; pour eux aussi, ça devait être : » La der des ders »… !

L’occupation allemande à Laon est l’une des plus dures que les populations civiles ont eu à subir. Elle va durer quatre longues années et éprouver les personnes :

Le territoire occupé est coupé du reste de la France et privé de toute information… Toute correspondance avec le pays est totalement interdite. La population ne connaît pas le déroulement des opérations militaires et ignore le sort des soldats… Dans ce contexte, les allemands procèdent à la germanisation du territoire…

Au moment de la mobilisation, à Laon :

« Le 1er août 1914, la ville est bouleversée, c’est une bien triste journée, la mobilisation. Le 25 août, les magasins ferment. L’exode de la population commence… Le 27, le dernier numéro du journal de l’Aisne paraît…
Le 30 août, les dernières administrations quittent la ville….
Le lendemain 31, c’est le dernier train qui quitte l’importante gare où se joignent Compagnie du Nord et Compagnie de l’Est.
Le mercredi 2 septembre, le Sénateur-Maire Mr G.Ermant… voit l’occupant entrer dans l’hôtel de ville… »

« Dès le lendemain, des officiers supérieurs en armes avec des soldats baïonnettes au canon envahissent le cabinet du maire et déposent une énorme réquisition : 70 000 kg de pain ou de biscuit, 20 000 kg de lard ou de jambon, 10 000 kg de riz ou de semoule, 20 000 kg de café torréfié ou de chocolat, 2 000 kg de sel, 70 000 kg d’avoine, 20 000 kg de cigares ou de bon tabac à livrer le lendemain 4 septembre à midi, sous peine d’exécution militaire.
Le maire répondit qu’il lui était impossible de remplir cette réquisition. pourquoi, ajouta t-il, tout cet appareil militaire vis à vis d’un homme désarmé ? Si vous me faites fusiller, vous me conduirez à l’immortalité…
Cette première demande de réquisition fut la seule qui n’eut pas de suite. »

La ville est transformée par l’ennemi :
L’occupant modifie le nom des rues, les magasins,  impose l’heure allemande (une heure de plus que l’heure française), accroche des portraits de l’Empereur, organise des fêtes allemandes.

Les maisons portent une pancarte obligatoire où sont mentionnées diverses indications : nom de la rue… nom, prénoms des occupants, sexe, âge, nombre de pièces des locaux et nombre de lits…

Il est interdit de déménager sans autorisation préalable…

Pour remplacer la presse interdite, les allemands publient leur propre journal : « Journal de guerre »…

Chaque jour voit son lot d’interdictions communiquées par voie d’affichage.
Tout déplacement de commune à commune est limité par un laisser-passer.
La circulation des personnes est étroitement surveillée
Les allemands réquisitionnent les produits alimentaires et les objets, astreignent la municipalité à d’importantes contributions financières et saisissent dans les industries matières premières et machines-outils qui sont envoyées en Allemagne…

La population est soumise au travail forcé et doit participer à l’effort de guerre allemand : plusieurs centaines de jeunes sont emmenés pour travailler sur les voies ferrées ou pour d’autres travaux pénibles…

La peur et la mort rôde :
Laon est située à vol d’oiseau à 15 km du front qui passe sur le « Chemin des Dames » du 15 septembre 1914 au 27 mars 1918. 

Au cours des 1502 jours d’occupation, la ville a connu des heures tragiques : des civils, parmi eux des femmes et des enfants, sont touchés par les bombardements.

L’une des choses qui va choquer l’occupé est l’accumulation des vexations :
-Le Général Commandant ordonne que la population masculine salue, en se découvrant, tous les officiers.
-Il est strictement interdit à la population de causer avec les prisonniers de guerre français, de leur faire signe, de les saluer ou de leur jeter des fleurs… Sous peine d’amende, d’emprisonnement voire de déportation.
Pour remplacer le chanvre, les allemands aspirent à récolter le plus possible d’orties (les feuilles sont comestibles, leurs tiges servent à fabriquer la toile des sacs de sable des tranchées). Ils embauchent pour rien les enfants qui sont surveillés, afin que le travail soit productif,  par leurs maîtres d’école…
Idem pour l’arrachage des pommes de terre…

Le ravitaillement alimentaire est difficile pour la population, d’autant que l’occupant réquisitionne presque tout. Le pain est rationné et n’est vendu que le matin…

Après toutes ces exactions, ces privations et ces vexations, l’heure de la libération sonne enfin, le 13 octobre 1918 :

Les troupes de la Dixième armée sont entrées, ce matin, dans Laon où six mille cinq cents civiles ont été délivrés…

Mais, lors de leur retraite, les allemands ont aménagé des traquenards pour retarder l’avancée des troupes françaises :

Ainsi le 16 octobre, des braves de la 3è Cie du 30è R.I se trouvent près de la « Maison Bleue » à Athies s/Laon. Les soldats sont affairés. L’un deux pousse la porte cochère et soudain, c’est le drame ! Une brouette a été dissimulée derrière cette porte ; trois mines sont agencées ; l’explosion se produit et les 48 soldats sont tués, déchiquetés…

                                                  ==============

Enfin, le 11 novembre 1918 près de la Flamengrie (Aisne), le sergent Sellier sonne  l’Armistice . Les combats viennent de se terminer ! Et ainsi s’achève l’horreur de cette terrible guerre.

 
 
 
 
 
 
 



  

Sources  : extraits de l’occupation de 1914-1918 à Laon – Pierre Lefèvre 
              Images : Gallica -BNF : Laon : un coin démoli -(photographie de presse) Agence Meurisse – 1918 
                           Wikipédia : Le bleuet de France   





#Généathème : organiser sa généalogie

Je prends vaillamment ma plume… Plutôt mon clavier pour aborder le sujet du mois : Organiser sa généalogie ! Sujet proposé par Sophie Boudarel !

Ma méthode de travail relève de la « vieille école » (oh là là… on dirait un vieux soldat !) :

1) J’ai créé des dossiers patronymiques, un pour chaque grand-parent et leurs ancêtres  : j’y ai inséré une liste d’ascendance que je complète au fur et à mesure de mes recherches :

Je remplis, également, une fiche de renseignements par famille et  par numéro Sosa :

Enfin, je classe tous les documents trouvés (état civil, fiches matricule, photos, recensements, cartes de Cassini, documents divers…)

2) J’ai également un cahier répertoire  « Spécial généalogie » qui me sert à tout : recherches dans les archives, carnet d’adresses, listes, renseignements divers…)

3) Enfin, je saisis toutes les données sur un logiciel : Hérédis version 13 Pro. Ce logiciel est facile d’utilisation et intuitif ; ce qui me convient parfaitement.

Ainsi va mon organisation… Je pourrai, sans doute, mieux faire ; mais cela me convient… Et en amont, j’apprécie surtout la recherche et le travail d’enquête…!

Le Petit Albert ou les secrets merveilleux de la magie naturelle…

Dans le billet sur les « Amours & Mariages en Auvergne », je fais allusion au « Petit Albert ».

Autrefois, l’Auvergne était une région où la sorcellerie excellait et l’usage du Petit Albert était courant.

Mais qu’est-ce que le Petit Albert ?

Le Petit Albert est un grimoire… de magie..! Il serait inspiré par les écrits de Saint Albert le Grand, né en 1193, théologien, professeur d’université notamment à la Sorbonne et quelque peu sorcier. Néanmoins, Albert le Grand a été canonisé.

En France, le livre est imprimé pour la première fois en 1668, puis réédité de façon régulière.
Ce sont les colporteurs qui le diffusent partout, jusque dans les plus petits hameaux.
Il est associé à un ouvrage jumeau : le Grand Albert. (En Auvergne, on m’a dit que le premier donnait des recettes de magie blanche et le second de magie noire, mais chut…. je ne vous ai rien dit…)

L’édition de cet ouvrage est un succès malgré sa réputation sulfureuse.
Bien sur, au 19è et début du 20è siècle, cela ne réjouit pas l’Eglise . Ses réactions sont négatives à l’encontre de ce livre qui est assimilé à l’usage de la magie noire.
Les gens le lisent, donc, en cachette ; chacun se demandant qui en possède un exemplaire.

La peur aidant, les détenteurs du livre essaient de le faire bénir . Ils le cachent dans l’église à l’insu du curé qui n’est pas dupe. S’il trouve le grimoire, le curé le fait disparaître.
C’est ainsi que naissent les légendes : on dit que le diable vient reprendre ses livres ou qu’il est dangereux de détruire le Petit Albert soi-même et qu’il vaut mieux le confier au curé.

L’attitude de l’Eglise contraste avec le fait que l’ouvrage a eu une longue durée de vie nullement clandestine puisqu’il est édité depuis le Siècle des Lumières. Sans doute, les ecclésiastiques de l’époque ont-ils vu qu’il n’y avait pas de quoi fouetter un chat.

Après la révolution, quand la littérature de colportage est interdite, le livre est censuré indirectement.

Le Petit Albert a fait la fortune des éditeurs et celle des colporteurs.
Le succès est d’autant plus étonnant que les recettes proposées ne sont d’aucune utilité pour le lecteur car les formules sont peu praticables. Les ingrédients nécessaires sont coûteux et généralement absents des villages.

Mais, dans la France d’autrefois, les mentalités sont incapables ou ne sont pas désireuses de faire la distinction entre le naturel et le surnaturel. Tous les moyens sont bons pour essayer de maîtriser certains domaines (magie sexuelle, recherche des richesses et de la sécurité, protection contre les dangers…)

Voici la clé donnant l’accès au grimoire : http://www.esotericarchives.com/solomon/petitalb.htm
Mais attention à vous… Je décline toute responsabilité quant au mauvais usage des formules… !!!

Source : Wikipédia + les histoires glanées en Auvergne.