#RDVAncestral : Une capsule temporelle…

Dans ma grand’ malle aux ancêtres, j’ai découvert une lettre virtuelle… Rien qu’un simple parchemin jauni par le temps et rédigé il y a 270 ans :

Moi, Antoine MARLY, suis votre aïeul. J’ai 52ans et j’arrive au crépuscule de ma vie. J’habite à Erlon, un petit village de l’Aisne, où je suis né le 22 décembre 1692. 

Notre paroisse se situe à environ *5 lieues de Laon.

Comme mon père qui s’appelle aussi Anthoine, je suis charpentier.

J’exerce également la fonction de greffier de la paroisse. Je transcris les actes de baptême, de mariage et de sépulture sur le registre. Je signe les actes en tant que témoin car ici les gens, pour la plupart, ne savent ni lire ni écrire et de plus, les villageois ne parlent que le patois picard.

Avec ma famille, nous habitons une chaumière basse  au toit moussu bâtie en torchis comme la plupart des maisons du village.

Je me suis marié trois fois. Je suis veuf deux fois. De mes trois unions, j’ai 12 enfants (7 filles et 5 garçons) nés entre 1717 et 1744. Mais, six d’entre eux sont morts en bas âge.

Nous appartenons au Royaume de France gouverné par un roi, Louis le Quatorzième, dit le Roi-Soleil…

Notre vie ici-bas est bien tourmentée… Nous devons nous battre contre les éléments… à croire que la colère divine s’est abattue sur nous !

Entre 1692 et 1694, la météo est désastreuse : les hivers sont extrêmement rigoureux, les printemps et les étés très pluvieux. Les faibles récoltes engendrent des famines dans toutes les provinces.  Pour subsister, le pain est fabriqué à partir de fougères ou de glands. La population se nourrit d’herbes bouillies.

En 1694, le *setier de blé atteint le prix record de 52 Livres… du jamais vu ! Le gouvernement ordonne trois jours de procession dans toutes les paroisses du Royaume pour implorer la clémence de Dieu.

Affaibli, le peuple est fauché par une épidémie de fièvres putrides (typhoïde). En deux ans, la démographie passe de 22, 3 millions à 20,7 millions d’habitants.

De plus , notre Roi aime guerroyer. Certes, les guerres agrandissent le Royaume mais elles sont coûteuses. Nous sommes soumis à une hausse des impôts continuelle, et également à en payer de nouveau comme la « capitation ».

Nous connaissons un autre évènement météorologique désastreux pendant les hivers 1709 et 1710 : Un froid polaire envahit le Royaume entraînant crise frumentaire, famine et mortalité.  Les anciens disent n’avoir jamais vu cela. D’ailleurs, cet épisode glaciaire restera dans la mémoire collective comme le « Grand hiver ». Peut-être en entendrez-vous parler ?

Après 54 ans de règne, Louis le Quatorzième trépasse le 1er septembre 1715. Il laisse le Royaume exsangue suite à 33 années de guerre. D’ailleurs, le peuple le regrette à peine…  Il a supporté trop de privations et de souffrances. Il n’a plus de larmes à verser pour le Roi.

En 1720, la peste envahit le sud du Royaume et 120 000 personnes périssent.

En 1723 et 1724, les récoltes sont encore mauvaises et provoquent une autre crise frumentaire. Le prix du pain passe de 3 ou 4 sous à 6 ou 8 sous la livre, alors qu’un manouvrier ne gagne que 10 sous par jour.

L’année suivante, en 1725, l’été est pourri… Pas de récoltes… La famine persiste ! Des émeutes frumentaires éclatent dans les villes à cause de la cherté du pain !

En 1728, une importante disette touche le Royaume !

En 1740, l’hiver est si long et si froid qu’il nous rappelle le « Grand hiver » Là encore, la disette s’installe partout faisant des ravages parmi les vieillards et les enfants.

En 1744, c’est une importante épizootie qui décime le bétail.

Mes chers enfants, je vous souhaite une vie bien meilleure ! Fasse que vous ne connaissiez jamais les affres de la misère, de la famine, et des guerres ! Je prie pour que mon vœu s’accomplisse et que le Ciel soit plus clément avec vous !

Si un jour, l’un d’entre vous trouve cette lettre, qu’il raconte à son tour nos heurs et malheurs afin que l’on ne  nous oublie pas !

Ecrit en l’An de Grâce 1745, le 15 mars.

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*Une lieue équivalant à environ 4 km, Erlon se situe à 20 km de Laon *Un setier pèse 120 kg environ.

 

Antoine MARLY est mon Sosa 128. Il est décédé, à Erlon, le dimanche 6 août 1747 à l’âge de 54 ans.

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Son dernier fils, Jean-François (1744-1805), mon Sosa 64 est manouvrier. Il décède à l’âge de 62 ans.

Son petit-fils, André (1765-1818) mon Sosa 32 est également manouvrier. Il meurt à 52 ans. Il est mendiant.

Tous les descendants d’Antoine sont manouvriers jusqu’à mon grand-père paternel. Des « invisibles » qui connaîtront aussi le courroux du Ciel avec la misère, la faim et les guerres.

 

 

Sources :

Contexte – Thierry Sabot – Editions Thisa

Chronologie de l’Histoire de France – Bescherelle- Editions Hatier

A.D Laon : 5 MI 0493

Monographie Commune d’ Erlon – Histoire et généalogie axonaise

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

#Généathème : Médecin malgré lui …

Je ne résiste pas au plaisir de partager cette archive insolite trouvée dans les registres de la paroisse de Cintheaux (Calvados), paroisse où vécurent mes Sosas maternels 480 et 960.

Le Curé a  « religieusement » écrit dans son registre deux méthodes pour soigner d’étranges maladies :

IMG_0977Remède infaillible contre l’hydropisie très expérimentée

Prenez une pinte deau de vie de vin dans une bouteille de gros verre bien nette, qui contienne la pinte mesure de paris, mettez-y deux onces de bon jalap  concassé grossièrement et non enpoudre, mettez la bouteille a lair ou au soleil et non au feu, laissez infuser le tout pendant 27 heures au bout desquelles donnez au malade trois cuillerées dans une cuillère abouche le matin a jeun, de deux jours lun est adire quil faut etre un jour sans en prendre et continuer ainsi jusques a parfaite guérison quon obtiendra par ce remède si le malade na rien de gaté dans linterieur

Pendant la maladie et lusage du remede il faut observer le regime suivant.

Il ne faut manger ny soupe, ny rien de crud, ny poivre, ny sel, ny vinaigre, ny laict, ny fruit, ny salade surtout point deau aboire, le vin blanc doit etre la boisson ordinaire, il ne faut même pas lui en donner toutes les fois quil en demande ; le malade ne doit user que de viandes roties ou grillees, surtout point de veau, le pain le plus sec est le meilleur. Deux heures après le remede il faut prendre un bouillon de consommé fait avec de bon bœuf, de la volaille ou du mouton aulieu de veau le jus de mouton roti y est tres bon. Si la premiere bouteille netoit pas suffisante il faudra en refaire une autre pour lentiere guerison.

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Contre la pituite pour purifier le sang

Il faut prendre quatre blancs doeufs un verre de vin aigre y ajouter une drogue qui se nomme ptia dose de 40 grains pesants orondanus item pour la dose parvi osum item la meme dose, mesler le tout par ensemble et tous les soirs sen passer sur le creux de lestomach y appliquer une serviette chaude dessus et continuer le remede tous les soirs pendant huit jours

par le Chirurgien Major du Regiment de Betan Regiment Suisse

On peut se demander si le brave Curé ne souffrait pas, lui-même, de ces maux et après s’être confessé auprès du Chirurgien Major, celui-ci lui aurait délivré ces ordonnances que le saint homme aurait soigneusement annotées pour ne pas les oubliées ?

En outre, je trouve cette archive intéressante car elle nous dépeint la manière dont nos ancêtres se soignaient au 18e siècle ; manière qui peut nous paraitre rocambolesque aujourd’hui.

Pour finir, cette découverte me fait penser à Molière dont nous célébrons aujourd’hui le 342e anniversaire de sa disparition. En hommage, je lui dédie ce petit article !

 

En cliquant sur les mots écrits en vert, vous découvrirez leur définition  (vulgaris-médical.com et Wikipédia.com)

SOURCES : A.D Calvados – Cintheaux – 5 MI EC 430 [1740-1792]

IMAGE : Gallica BNF : Figures Allégoriques – La Maladie, la Santé  éditées en 1700 – Louis Lerembert – Sculpteur – ark:/12148/btv1b69365557