Pierre GUILLOT, un ancêtre galérien…

D’après Jean de La Bruyère, nous descendons tous d’un roi et d’un pendu…

Pour ce qui est du Roi, une rapide recherche sur la fonction Généastar de Généanet m’annonce quelques cousinages célèbres mais aucun monarque.

Mes ancêtres sont pour la plupart  des invisibles et leur vie est banale.
Mais, de temps à autre, le fantôme d’un pendu sort des archives… Et là, c’est le Graal !

Voici l’histoire de Pierre GUILLOT :

Il a été baptisé le 17 novembre 1685 à Clécy dans le Calvados. Ses parents sont Hippolyte GUILLOT et Jeanne BRISSET, mes Sosa 394 & 395 à la 9 ème génération.
Il est d’une bonne taille, son visage est ovale et ses poils (cheveux) sont châtains.

En l’an 1719, sous la Régence de Philippe d’Orléans, Pierre a 35 ans et exerce le métier de voiturier.
Le 24 mai de la même année, le Tribunal de Falaise-Grenier à sel le condamne à 3 ans de bagne à Marseille pour faux saunage à cheval.

Un faux-saunier était une personne qui faisait la contrebande de sel entre les différentes provinces de France et le vendait en fraude sans payer la gabelle.
Le faux-saunage représente 15,5 % des motifs de condamnation des 38 036 galériens pour la période 1680-1715, et atteint 23,3 % des 22 365 galériens pour celle de 1716-1748.

Le bagne de Marseille alimentait les galères royales bien avant la création du bagne de Toulon en 1748.
Jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, c’est en ramant que les condamnés aux travaux forcés accomplissaient leur peine.

Pierre, matricule n°45070, est attaché à la Chaîne Bretagne avec 144 autres condamnés, dont 3 mourront en cours de route.

Les prisonniers étaient enchaînés par le cou deux à deux avec une grosse chaîne longue de trois pieds au milieu de laquelle il y avait un anneau rond. Puis on les faisait mettre couple par couple en rang ; on passait une longue et grosse chaîne dans les anneaux du milieu et la file se trouvait ainsi formée de 4 ou 500 hommes.
Il existait trois chaînes principales qui amenaient, chaque année, les galériens jusqu’à Marseille : la première partait de Paris, la seconde de Bretagne et enfin la dernière de Guyenne.
La chaîne Bretagne ramassait les condamnés de Rennes, Alençon, Orléans, Tours, Bourges, Moulins, Riom et Lyon.
Le funeste cortège déambulait ainsi à travers le pays. Le voyage était épuisant à cause de la lourdeur des chaînes, de la longueur des étapes, de l’insuffisance de la nourriture et des mauvais traitements. Beaucoup mourraient en route, d’autant plus qu’ils sortaient de leurs prisons en mauvais état. Et en cas de rébellion, les meneurs étaient condamnés à mort immédiatement.

C’est ainsi que Pierre arrive à Marseille, le 9 décembre 1719.

Le contingent de galériens appelé la « Chiourme » comptait également des esclaves turcs et des prisonniers venant de pays qui ne possédaient pas de galères.
Pour toute alimentation, les prisonniers recevaient une ration journalière d’environ 26 onces, soit 784 grammes de nourriture (pain, biscuit et soupe de fèves à l’huile).
Les châtiments corporels étaient multiples : langue percée au fer rouge pour avoir 
blasphémé, nez et oreilles coupés pour les mutins et les déserteurs, condamnation perpétuelle à rester sur les galères voir la pendaison, en cas de récidive.

Au printemps 1720, la peste débarqua à Marseille. Bien à l’abri de ses murailles et isolé de la ville, l’arsenal des galères ne fut pas ou peu touché par l’épidémie de peste. Les seuls forçats qui moururent de la peste furent les fameux « corbeaux » ou fossoyeurs qui furent chargés, à la demande des échevins, d’évacuer les cadavres dans les fosses communes. Il y eut tout d’abord 23 galériens qui furent employés à cette corvée, avec promesse de liberté s’ils échappaient à la peste, ce qui ne fut pas le cas puisqu’ils moururent tous. Ils furent remplacés par plusieurs contingents successifs qui furent placés sous une surveillance de soldats. En effet, les forçats pillèrent les logis abandonnés, achevèrent les moribonds ou les jetèrent dans les chariots avec les morts, ou s’évadèrent en s’habillant avec les vêtements des morts. On estime que 335 forçats moururent à la tâche et que 171 échappèrent à la mort et obtinrent la liberté promise.

J’ignore si Pierre a participé à ces funèbres travaux…
Sa période de condamnation achevée, il est libéré le 3 juillet 1723.
Mes recherches ne m’ont pas permis de savoir ce qu’il est devenu…

J’ai reconstitué cette histoire à partir des Relevés bagnards : Bibliothèque généalogique et d’histoire sociale de France – Site Généanet –

Sources :
*Faux-saunage : Odile Halbert, Faux-saunage entre Bretagne et Anjou, sur www.odile-halbert.com, 1998, m.à.j. 14.06.2006
*Les galères de France, 1481/1781 – Marseille port de guerre – Paul Masson – Site Gallica-BNF
*La peste à Marseille – Site Wikipédia .fr
*Image : Arsenal des galères à Marseille – Site Made in Marseille


 

4 réflexions sur « Pierre GUILLOT, un ancêtre galérien… »

  1. Je suis en train d’écrire un billet sur les galères et je découvre ton article (bien référencé, il est apparu en bonne place dans le moteur de recherche)
    L’histoire de ton galérien fait écho à la condamnation des faux sauniers de ma série « les mulets du sel ». Ce qui est encore plus étonnant c’est qu’en 1720 l’un d’eux, Pierre Taron se trouvait à Marseille. Il est probablement mort de la peste. Imagine qu’il ait rencontré ton Pierre Guillot …

  2. Excellent , très bonne documentation. Comme nous tous passionnés par l’histoire et curieux sur la vie de nos aieux.
    Merci
    Cordialement

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